Michel Soulé et Bernard Golse

A l'heure des experts en tout genre, des plateformes à venir et de l'intelligence artificielle, c'est bon de redécouvrir ce parler vrai et simple d'un Michel Soulé, de se replonger dans le discours de Bernard Golse prononcé en 1994.

Tract remis aux parents :

Madame,  Monsieur,

Vous venez de prendre rendez-vous à la consultation de guidance infantile de l'Ecole de puériculture.

La consultation ne se déroulera pas comme chez les médecins que vous avez l'habitude de consulter. Voici pour quelles raisons.

Le médecin ne procédera pas seulement à l'examen physique de votre enfant. En effet, cet examen a souvent été pratiqué plusieurs fois déjà par des médecins très compétents. Il est plus important de connaître la vie affective, familiale, scolaire et sociale de votre enfant. Il faudra donc que nous parlions une ou plusieurs fois avec lui seul à seul pour mieux le connaître.

Nous aurons besoin de     savoir dans quelles conditions sont apparues ses difficultés, nous aurons donc aussi un ou plusieurs entretiens avec vous qui le connaissez mieux que tout le monde, cela suppose que vous puissiez nous parler longuement et à cœur ouvert de la vie de  votre enfant dans tous ses aspects. Il est souvent difficile de savoir ce qui a de

l'importance et ce qui en a moins. Parfois, après un entretien vous aurez l'impression d'avoir oublié de nous donner des renseignements utiles ; vous pourrez toujours revenir nous en parler.

Chaque fois que ce sera possible nous demanderons à nous entretenir avec le père de l'enfant. Nous tâcherons de lui proposer des heures de rendez-vous qui lui permettent de venir malgré son travail.

On procédera peut-être à une série de tests ou d'examens techniques. Ces renseignements préliminaires seront sans doute recueillis par une de nos collaboratrices ou une technicienne particulièrement qualifiée, ensuite l'un des médecins de la consultation vous recevra lui-même.

Tout cela demande du temps, mais c'est à ce prix que les conseils que nous donnerons ou les traitements que nous indiquerons seront ,sérieusement établis et précisés. Nous prescrirons des médicaments lorsque cela nous paraîtra efficace, mais seulement dans ces cas-là. Ne vous étonnez pas lorsque nous ne le ferons pas, c'est que nous penserons qu'il y a bien mieux

à faire et nous vous l'expliquerons. Cela évite bien souvent de perdre du temps ou de s'illusionner.

Le Centre de guidance a été créé pour examiner très tôt les enfants afin d'éviter que des troubles graves ou plus difficiles à traiter ne s'installent. D'autre part, il prend surtout en charge les enfants du quartier pour faciliter vos déplacements et vous prendre, ainsi qu'à votre enfant, le moins de" temps possible. Nous nous efforcerons de vous donner les rendez-vous les plus commodes.

Bien entendu, vous pourrez revoir chaque fois que vous le souhaiterez celui ou ceux des membres de notre équipe qui se sont occupés de votre enfant, et en particulier l'assistante sociale, qui peut à tout moment servir d'intermédiaire et qui reçoit sans rendez-vous le samedi de 9 h. à 12 h.

Nous vous prierons d'être exacts à tous les rendez-vous que nous vous fixerons. Nous nous ferons un devoir de vous recevoir, dans toute la mesure du possible, à l'heure prévue. En cas 'empêchement, même de dernière heure, nous vous serons toujours reconnaissants de nous avoir prévenus.

Les médecins du Centre de guidance infantile de l'Ecole de puériculture.

Michel Soulé dans les années 1970

►Document d'origine

 

Nomination de Bernard Golse au titre de Professeur des universités : allocution de Michel Soulé et Bernard Golse

1)  Le deuxième axe de réflexion a trait aux interrelations entre Psychiatrie, Psychanalyse et Biologie.
Comme souvent, le grand ennemi est ici le clivage, le clivage entre le corps et la psyché alors même que tout nous montre désormais les insuffisances et les impasses d'une pensée strictement dualiste.
La  percée et les avancées impressionnantes des neuro-sciences et des travaux cognitifs ne disqualifient en rien la psychologie, la psychiatrie et la psychanalyse comme le disent ou le croient certains, du fait, me semble-t-il, d'une relative paresse de la pensée.

Les spécialistes de la psyché qui se refèrent non pas à un modèle déterministe linéaire mais à l'hypothèse de « séries complémentaires » se rejouissent au contraire de ces nouvelles donnes qui viennent conforter les modèles poly­factoriels de la psychopathologie. Ces acquis récents ne nous gènent aucunement. Nous les attendons même avec impatience, persuadés que le développement de l'individu se joue precisément au carrefour de l'équipement neurobiologique personnel et du système relationnel interactif. Tout le reste ne peut être que pur dogmatisme.
On pourrait dès lors discuter à l'envi de la scientificité de la psychanalyse. Et sans doute faut-il le faire à partir du concept de cadre, du statut de vérité
« locale » des matériaux recueillis ou de la prise en compte du contre-transfert comme outil d'observation, chacun sachant désormais que dans tous les domaines il y a toujours - et inéluctablernent - une interference dialectique entre l'observateur et l'observé, entre l'objet d'étude et l'appareil d'investigation.
Sciences dures, sciences narratives et psychanalyse pourraient ainsi être mises en perspective.

Bernard Golse, 21 mars 1994

►Allocution intégrale